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 BENJAMIN GRAHAM - 2ÈME PARTIE
 

   Au cours de l’article précédent sur Benjamin Graham, nous avons abordé des thèmes tels que la marge de sécurité, la différence entre spéculation et investissement, les types d’investisseurs, les proportions entre actions et obligations et la fameuse personnification de M. Marché. Si vous n’avez pas lu cet article, je vous suggère de le faire. Vous pourrez en découvrir un peu plus sur celui qu’on surnomme couramment « le père de l’investissement de valeur ».

   La prévisibilité des profits

   À voir les analystes de Wall Street, on pourrait croire que l’investissement se résume presque uniquement à prévoir les profits des sociétés. Dans son livre The Intelligent Investor, Benjamin Graham analyse plusieurs actions sans jamais faire de prévisions sur les profits futurs des compagnies. C’est une preuve qu’il ne croit pas qu’il est possible de prévoir l’avenir. Tout investisseur devrait être conscient que baser ses décisions d’investissement en grande partie sur des prévisions est un exercice bien risqué. De toute façon, la croissance prévue d’une compagnie est bien souvent déjà incorporée dans le prix de l’action. C’est une des raisons pourquoi Graham prônait la diversification (qui ne doit toutefois pas être excessive). Il explique que ses méthodes d’évaluation d’une action ne nécessitaient que de simples calculs ou l’algèbre la plus élémentaire. Il ne croit donc pas à de complexes modèles de discounted cash flow remplis de prévisions.

   L’approche descendante vs l’approche ascendante

   En investissement, on appelle l’approche descendante celle qui consiste à sélectionner d’abord les secteurs qui nous semblent les plus intéressants puis à sélectionner les meilleures entreprises de ces secteurs. Benjamin Graham utilisait plutôt une approche ascendante, c’est-à-dire de chercher les aubaines partout dans le marché. Il reniait l’approche descendante pour deux raisons. D’abord, il préférait bien souvent les secteurs les moins aimés du marché parce que c’est là qu’il pouvait trouver le plus d’actions bon marché. Lorsque les conditions économiques favorisaient ces secteurs de nouveau, les actions montaient. Deuxièmement, Graham ne recherchait pas nécessairement les meilleures entreprises en terme de rentabilité et de croissance. Il cherchait d’abord celles qui avaient la plus grande disparité entre leur valeur intrinsèque et leur prix au marché. Par exemple, en 1999, les meilleurs entreprises américaines étaient dangereusement surévaluées et ne représentaient pas de bons achats.

   La ratio prix/valeur comptable

   B. Graham donnait une attention particulière au ratio cours/valeur comptable. La valeur comptable représente les actifs de la compagnie moins ses dettes. En divisant le prix de l’action par la valeur comptable par action, on obtient le ratio cours/valeur comptable (C/VC). Le conseil de Benjamin Graham était de ne pas payer beaucoup plus que la valeur comptable lorsqu’on achète des actions. Plus précisément, il suggère à l’investisseur défensif de ne pas payer plus du tiers au-dessus de la valeur comptable (ratio C/VC inférieur à 1,33) et de se limiter à 20% de plus pour l’investisseur entreprenant (ratio C/VC inférieur à 1,2). Des informations sur les types d’investisseurs sont disponibles dans l’article précédent. Il averti que les actions se vendant à plusieurs fois leur valeur comptable ont tendance à être populaires, spéculatives, sur-évaluées et plus risquées.

   Selon moi, c’est un aspect de la philosophie de Benjamin Graham qui devrait être mis à jour. The Intelligent Investor a été écrit dans sa première version en 1949. Depuis ce temps, les techniques d’investissement gagnantes ont bien peu changé, mais les entreprises ont subi des transformations importantes au plan technologique. Les progrès technologiques ont beaucoup contribué à augmenter la productivité et donc à produire autant de profits avec moins de ressources. De plus, on comptait beaucoup plus de firmes de type industriel à l’époque et moins de services. Les industries requièrent beaucoup de capital et il est normal que leur valeur au livre soit plus grande. C’est pour cette raison que l’investisseur qui décide de suivre les principes de Graham à la lettre se met à dos plusieurs entreprises qui peuvent tout de même être des aubaines.

   Actions impopulaires

   Un champ fertile pour trouver de bonnes actions est d’aller vers ce qui est impopulaire. Très souvent, toute l’attention est tournée vers les actions qui ont une forte croissance et le reste est ignoré. Parfois même, certains secteurs sont carrément détestés et les actions chutent à des prix ridiculement bas. Celui qui suivra la foule sans se préoccuper de la valeur de ce qu’il achète est presque certain de ne pas avoir de bons résultats. Au contraire, aller au à l’inverse de la foule est l’attitude sur laquelle repose le succès de Benjamin Graham. Il confirme que la patience et la confiance sont de mise quand on va contre la foule puisqu’il se peut que cela prenne du temps avant que la valeur au marché reflète la valeur intrinsèque. Si l’investisseur est impatient et manque de confiance, il aura tendance à vendre durant les inévitables baisses.

   La capitalisation boursière

   L’investisseur devrait-il se concentrer davantage sur les grandes ou les petites compagnies? Comme les grandes compagnies (capitalisation boursière supérieure à 400 millions $) sont plus suivies que les petites, B. Graham explique qu’il est moins possible d’y trouver des aubaines. Il spécifie qu’un portefeuille diversifié de petites actions est assez sécuritaire pour l’investisseur entreprenant, mais que l’investisseur défensif devrait se concentrer sur les plus grandes compagnies. Ces dernières sont moins volatiles et moins risquées. Elles conviennent donc mieux à ceux qui ne peuvent suivre leur portefeuille de près.

   Les aubaines net-net

   Benjamin Graham a établi une technique de sélection avec laquelle il a obtenu de très bons résultats. Il s’agit d’acheter des actions qui se vendent pour moins que la valeur de leurs actifs à court terme (liquidités, investissements à court terme, comptes à recevoir et inventaires) moins toutes les dettes de la firme. En faisant ainsi, on obtient tous les autres actifs (usines, équipement, etc.) pour rien du tout. Aucune transaction privée ne se ferait pour un prix si bas, c’est uniquement en Bourse qu’on peut retrouver de telles aubaines. Un portefeuille diversifié de ces titres, combiné à une bonne dose de patience, peuvent s’avérer excellent. Toutefois, il est très rare de trouver des compagnies se vendant si peu cher sauf en période de dépression. La seule que j’ai pu trouver est Global-Tech Appliances (New York, GAI). Elle a pour 4,34$ par action d’actifs à court terme net de dettes. De plus, elle affiche pour 24 millions $ de propriétés et équipement dans son bilan, soit environ 2$ par action. L’action se transige à 2,45$.

   Gare à l’enthousiasme!

   L’enthousiasme est le pire ennemi de l’investisseur. Selon Benjamin Graham, il mène inévitablement vers le désastre. Selon lui, ce sentiment détruit le sens critique et nous amène à croire qu’il y a des certitudes. L’exemple le plus frappant et récent de ceci est la bulle des technos. Les phrases telles que « C’est le prochain Microsoft » ou « Achète ceci et prends ta retraite dans 5 ans » abondaient pour désigner des petites compagnies technologiques ayant une croissance dans les trois chiffres. Cet excès de confiance amène les investisseur à payer un prix totalement déconnecté de la réalité. Prenons un exemple en pleine bulle des technos: une comparaison de eToys et Toys R Us. eToys était une entreprise toute récente de vente de jouets en ligne « en pleine croissance ». En fait, ses ventes avaient augmenté de 4261% en un an. Toys R Us vendait des produits semblables, mais dans des magasins « réels », une entreprise bien plus ennuyeuse. Un investisseur se laissant uniquement guidé par les émotions succomberait sans doute à l’enthousiasme que provoque en lui eToys, mais une analyse dénudée d’émotions s’impose.

 
eToys Inc.
Année fiscale se terminant le 31/03/1999
Toys R Us Inc.
Année fiscale se terminant le 01/05/1999
Ventes
30
2166
Profits nets
(29)
27
Liquidités
20
289
Actifs Totaux
31
8067
Valeur boursière (20 mai 1999)
7780
5650
Tous les chiffres sont en millions.
Source : The Intelligent Investor, commentaires de Jason Zweig.

   Pas besoin d’un QI exceptionnel pour voir qu’il est illogique de payer plus de 7,7 milliARDS pour une compagnie n’ayant que 30 milliONS $ de ventes et perdant 20 millions $. Peu importe la croissance qu’aura cette compagnie, un tel prix ne pourra jamais être justifié. Au contraire, Toys R Us était une compagnie bien implantée, générant des ventes substantielles (70 fois plus que eToys) et disposant de plus de 8 milliards $ d’actifs. Les profits n’ont pas été très élevés en 1999, mais la compagnie évitait tout de même les pertes. Pourtant, Toys R Us pouvait être achetée pour près de 2 milliards $ de moins que eToys.

   Résultat: Après avoir accumulé pour plus de 398 millions de pertes, eToys déclara faillite. Ses actions, qui avaient atteint un sommet de 86$ en octobre 1999 dégringolèrent éventuellement à un cent. De leur côté, les actions de Toys R Us, qui se vendaient pour 20$ à la mi-1999 furent achetées pour 26,74$ à la mi-2005 par des fonds d'investissement intéressés par son patrimoine immobilier.

   Ce n’est qu’un exemple qu’une analyse rationnelle triomphe sur le sentiment d’euphorie.

   Suite

   Ceci est le deuxième article d’une série de trois sur Benjamin Graham. Dans le prochain article, vous découvrirez des thèmes comme l’opinion de B. Graham sur l’expérience en Bourse, les conseillers financiers, les fonds mutuels ainsi que certaines de ses citations les plus instructives.

   Nicolas Bellemare

 
 
 
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